Voici ce qu’en disait la Gazette de Charleroi, en page 3, le 31 octobre 1936:
Une auto s’écrase contre un arbre sur la route de Charleroi à Philippeville.
Cinq blessés dont l’état est grave, sont transportés à l’hôpital.
Une fois de plus, la grand’route de Charleroi à Philippeville a été le théâtre d’un très grave accident d’auto.
Au lieu dit : « Bultia » une voiture, après avoir accorché un arbre, s’est écrasée sur un autre blessant une femme dangereusement au point de mettre ses jours en danger et en meurtrissant quatre autres.
Un premier malheur est la cause involontaire de ce désastre.
Nous avons relaté récemment la mort affreuse qu’avait trouvée M. ROUSSELET, mécanicien au Nord-Belge, demeurant à Marchienne-au-Pont. On l’avait trouvé décapité à proximité du tunnel entre Hourpes et Landelies. Or, le défunt était originaire de Tarciennes où il jouissait de la plus grande sympathie, de sorte que de nombreux habitants de cette dernière localité avaient voulu assister à ses funérailles qui avaient lieu hier à 9 heures.
Comme les communications sont précaires entre Tarciennes et Marchienne-au-Pont, les amis de M. ROUSSELET décidèrent de frêter un auto-car mais bientôt celui-ci s’avéra trop petit pour permettre le transport des tous ceux qui désiraient assister aux funérailles. Cinq voyageurs ne purent pas se caser et c’est alors que Madame Eloy BOULVIN, née Marie-Rose MONTEL, eut l’idée d’appeler une voiture automobile qui prit avec ses cinq passager la direction de Marchienne-au-Pont. Une sixième personne occupait l’auto, c’était Madame Léon THIRY, épouse d’un garagiste de Châtelet, demeurant 44, rue du Déversoir.
Un terrible choc.
Et l’auto se mit en marche. Le temps pressait : il était déjà 8 h. 45, de sorte qu’on filait à bonne allure : malheureusement des feuilles mortes et une fine bruine avaient rendu la route glissante.
Tout-à-coup, après avoir dépassé le carrefour du Bultia de quelques douze cent mètres, l’auto accrocha de son aile droite un des arbres qui jalonnent la route, et, continuant sa course, alla s’ écraser contre un deuxième arbre qu’elle ceintura littéralement. Après quoi les ferailles se détendirent comme un fouet et ce qui restait de l’auto – des débris informes – s’arrêta au bord du fossé. : cependant une passagère avait été lancée sur la route comme si elle eut été projetée par une catapulte, tandis que dans l’auto râlait la conductrice.
Un automobiliste qui passait à ce moment précis fit avertir les services de la Croix-Rouge et la gendarmerie.
Les blessés.
Une vision épouvantable s’offrit à la vue des premières personnes qui voulurent prodiguer leurs soins aux malheureux occupants de l’auto sinistrée.
Pourtant les secours s’organisèrent vite et l’ambulance qui devait transporter les blessés à l’hôpital Sainte-Thérèse de Montignies-sur-Sambre, vint les prendre rapidement.
Quatre d’entre eux sont ainsi emportés. Il s’agit d’abord de Mme Léon THIRY, conductrice et femme du garagiste, qui avait les jambes brisées et une fracture du crâne. A l’hôpital, il a fallu lui transfuser du sang mais en dépit de tout ce qui a été tenté, on désespère de sauver la malheureuse.
Mme Vital REVERS, née Hélène DUMONT, demeurant à Tarcienne, est également dans un état grave, elle a plusieurs côtes fracturées.
Mme BOULEVIN Eloi, née Marie-Rose MONTEL, demeurant à Tarciennes, se plaint, de son côté, de violentes douleurs internes.
M. Léon GOUSE (GONZE, N.D.L.R.), de Tarciennes, est moins grièvement blessé.
Quant aux deux autres blessés, Mme Arthur ROCHET, née Lucienne MICHEL, de Tarciennes et M. Isidore MOUVET, cultivateur, né le 1er juillet 1890, demeurant à Tarciennes, ils ont été reconduits à leur domicile. Toutefois, dans l’après-midi, l’état de Mme Arthur ROCHET ayant empiré, il fallu aussi l’hospitaliser. M. Isidore MOUVET qui n’a reçu qu’une forte commotion se remettra rapidement du terrible moment qu’il a vécu.
Pendant que les blessés étaient dirigés vers l’hôpital et que l’enquête suivait son cours, le temps avait passé. Si bien qu’à un moment donné, le car qui avait transporté à Marchienne-au-Pont les Tarciennois repassa sur les lieux de l’accident. On devine l’émoi de ses occupants : ces braves gens ignoraient tout du terrible accident qui va peut-être provoquer la mort d’un ou plusieurs de leurs concitpyens. On juge de leur émotion et de leur douleur.

Marie-Rose MONTEL, une des victimes
(Coll. A. GUILLAUME, Acoz)
L’enquête
C’est la gendarmerie de Gerpinnes : le commandant GILLARD et le gendarme VANDERMISSEN qui ont procédé à l’enquête, tandis que le parquet de Charleroi, conduit par le Juge Mineur se rendait sur les lieux au cours de l’après-midi.

(Photo Journal de Charleroi, 31/10/1936, p.3)
Un peu plus loin, dans la même édition de la Gazette de Charleroi, un petit article annonçait le décès de la conductrice du véhicule, Madame THIRY-MINET, âgée de 30 ans, de Châtelet.
J’ai, lorsque j’étais enfant et que j’habitais au Try des Marais avec mes parents, bien connu deux des victimes, elles étaient mes voisines :
Mme Arthur ROCHET, née Lucienne MICHEL, mère de Marcel ROCHET et Mme Vital REVERS, née Hélène DUMONT, mère d’Arthur et Louis REVERS et grand -mère, entre autres, de mon ami Roger.
Les maisons qu’habitaient ces dames à l’époque, sont aujourd’hui occupées par leurs petits et arrière-petits-enfants.
Je ne doute pas que, parmi mes lectrices et lecteurs, se trouveront des connaissances ou même des proches des victimes de cet accident.
Voici par ailleurs l’article qui, dans le même journal, décrivait deux jours plus tôt la fin tragique de Jules ROUSSELET dont les funérailles allaient involontairement être la cause du dramatique accident exposé ci-dessus.
Un cadavre déchiqueté gisait sur la voie entre Hourpes et Landelies.
S’agit-il d’un accident ou d’un suicide ?
Hier matin le mécanicien du premier train effectuant le trajet Erquelinnes-Charleroi arrêta son convoi à quelque deux cents mètres du tunnel qui relie Hourpes et Landelies. Il descendit de sa locomotive et se trouva en face d’un cadavre masculin horriblement déchiqueté. Aussitôt, il avertit le chef de gare de Landelies de la macabre découverte qu’il venait de faire. Le corps fut transporté immédiatement à la gare de Marchienne-Zone , et les recherches commencèrent afin de déterminer l’identification du cadavre.
Il s’agit de M. Jules ROUSSELET, mécanicien employé au Nord-Belge, âgé de 35 ans, demeurant rue Gottignies, 3, à Marchienne-au-Pont.
Le drame, qui a suscité une émotion profonde, est diversement commenté. Les uns l’attribuent à un accident. Le défunt, suivant eux, aurait été accroché et écrasé par un rapide. Toutefois, on ne parvient pas à définir ce qu’il faisait là sur la voie, alors qu’il n’était pas en service.M. ROUSSELET , en effet, était en repos ce jour-là.
Reste la version du suicide. Autre point d’interrogation, étant donné que rien ne permettait, jusque là, de croire à une détermination aussi fatale. De plus, M. ROUSSELET jouissait de l’estime des ses chefs et de la sympathie de ses collègues. Alors ? Alors, on se perd en conjectures. L’enquête menée par les autorités et par la gendarmeriede Thuin éclaircira sans doute le mystère qui plane sur cette douloureuse affaire.
Jules ROUSSELET était né à Tarcienne le 12 décembre 1900.
Il était le fils de Léopold Joseph ROUSSELET , ouvrier agricole et de Marie Joseph DELHAYE, ménagère.
Sources
Alain Guillaume m’a informé de cet accident
Articles de presse: http://www.belgicapress.com